Le 12 mai 1950, des « combattants de la paix » bloquent un train militaire à Nantes et renversent sur les voies, un canon anti-DCA. Cette opération spectaculaire, menée par le PCF, a un but : montrer que la classe ouvrière refuse la guerre d’Indochine. C’est pourquoi des opérations similaires ont lieu à Roanne, à Saint-Brieuc ou encore Cannes-la Bocca.
Dénoncés par une garde-barrière, neuf militants (dont deux femmes) sont très vite arrêtés et inculpés d’« entrave violente à la circulation de matériel servant à la défense nationale ». Si quatre d’entre-eux sont relâchés grâce à la mobilisation portée par le Secours populaire, les cinq autres restent en détention préventive jusqu’à leur procès fixé au 15 mars 1951. Les « neuf de Nantes » sont d’ailleurs les derniers à être jugés après les « 16 de Roanne », les « 12 de Saint-Brieuc » et les « 10 de La Bocca ».
Le verdict du tribunal militaire de Paris ? Trois hommes sont acquittés, tandis que les autres inculpés sont condamnés à de lourdes peines de prison (assorties du sursis) et à des amendes conséquentes. Jean Kernéis, pourtant malade, écope d’une peine de quatre ans de prison avec sursis, et de huit ans d’interdiction de séjour car pour la justice, c’est le « cerveau » de l’opération… Cette affaire souligne la radicalisation du PCF dans le contexte de la « guerre froide », ceci sous le double signe de la lutte pour la Paix et de l’opposition à la guerre d’Indochine.
Ces actions militantes, entraînant inévitablement la répression gouvernementale, donnent naissance à des « affaires » qui sont autant de leviers de popularisation du combat. Les deux « affaires » les plus symboliques sont celles touchant Henri Martin et Raymonde Dien : le premier, militaire de carrière et communiste de conviction, est condamné à cinq ans de détention pour propagande anti-guerre ; la seconde est incarcérée pour s’être « couchée sur les rails », devant un train militaire, en gare de Saint-Pierre-des-Corps lors d’une manifestation du PCF.
Lors des procès, le tribunal devient une tribune politique pour la force principale de la gauche française, mais une force ostracisée, tenue à l’écart des alliances et combinaisons politiciennes. Un parti isolé qui transforme ses militants en héros de la cause pacifiste (et non ipso facto anti-colonialiste) et apparaît toujours aux yeux du pouvoir comme une incarnation de « l’anti-France » ; incarnation qu’il faut réprimer avant qu’elle ne s’empare des esprits et fasse vaciller l’Empire…
Contribution de Yvon Gourhand et Henri Routhiau
Sources : Jacques Rousseau, « Après les 18 de Roanne, les 12 de St-Brieuc… les 9 de Nantes », Bulletin de l’IHS-CGT 44 n°12 de février 2014, pp. 10-14 ; Loi n°50-298 du 11 mars 1950 dite « scélérate » et relative à la répression de certaines atteintes à la sûreté extérieure de l’État, JORF du 12 mars 1950, pp. 2274-2275 ; Vanessa Codaccioni, Punir les opposants. PCF et procès politiques 1947-1962, Paris, CNRS éditions, collection « Culture & Société », 2013.
Iconographie : réception suivant la libération de prison de quatre des inculpés nantais. Sur la photo figurent trois des défenseurs commis par le SPF, à savoir Marie-Louise Cachin (fille de Marcel Cachin), Pierre Stibbe et Gaston Amblard (photographie issue du bulletin de l’IHS-CGT)
J’ai reçu ce message vers 13 h 30 aujourd’hui mardi. J’étais un peu jeune pour avoir connu les manifestations contre la guerre d’Indochine (mon frère y a été parachutiste entre 1947 et 1949). Par contre, j’ai assisté aux funérailles d’Anne Claude GODEAU au cimetière de la Gaudinière à Nantes.
Roger BONNET
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